- CONGRÉGATIONALISME
- CONGRÉGATIONALISMEContestant les décisions des autorités ecclésiastiques (pape et conciles), les réformateurs du XVIe siècle mirent l’accent sur l’existence d’une Église universelle invisible, au secret de Dieu et non au pouvoir des hommes. Les communautés locales ou congrégations, rassemblées pour écouter la Parole de Dieu et recevoir les sacrements, forment la trace visible de cette Église. Une telle ecclésiologie se veut fondée sur la doctrine du « sacerdoce universel» qui considère que chaque chrétien baptisé est par essence un prêtre. Cependant, Luther admettait la nécessité de différences de fonction. Voulant d’abord réformer l’Église avant d’être amené à se séparer du catholicisme, il n’avait pas de plan préconçu et, lors de la scission (1520-1521), ne proposait aucune organisation globale. D’autres réformateurs accomplissant une rupture analogue, le protestantisme fut, dès sa naissance, une réalité plurielle. Dans cette diversité d’organisation, le congrégationalisme va jusqu’au bout de l’idée qui fait de la communauté locale des fidèles rassemblés l’Église visible d’un lieu donné. Il n’admet pas qu’une instance supra-locale puisse exercer une contrainte sur une paroisse même si des unions fédérales sont possibles.Fondements théologiques et conséquences sociopolitiquesEn Angleterre, après la rupture avec Rome (1534-1570), la création d’une Église nationale exerçant une autorité sur les Églises locales était admise par les anglicans (favorables au maintien de l’épiscopat) et par les presbytériens (partisans de la création de synodes). Les congrégationalistes, qui développèrent leur mouvement surtout au XVIIe siècle, se séparèrent de ces derniers sur ces deux points:– La nation chrétienne qui regroupe l’ensemble des baptisés ne doit pas être identifiée avec l’Église de Jésus-Christ constituée par la réunion de ceux qui sortent du monde (en fait incrédule) pour professer leur foi et la vivre explicitement. Cette conception très stricte du membre de l’Église («membre professant») veut lutter contre le formalisme, les mœurs relâchées et l’hypocrisie; elle exclut ceux que nous appelons aujourd’hui les chrétiens «sociologiques».– Chaque Église locale constitue pleinement l’Église et doit être libre de toute ingérence extérieure. Les membres de la communauté nomment eux-mêmes leurs pasteurs, docteurs et anciens, se prononcent sur les «membres indignes» et sur toutes les affaires concernant leur congrégation, sans avoir à soumettre leurs décisions au contrôle d’une hiérarchie ecclésiastique ou séculière.Les Églises congrégationalistes ne se fondèrent pas, bien sûr, sur une conception démocratique au sens moderne de ce terme. Ainsi, chaque Église locale, en nommant ses conducteurs spirituels, est censée reconnaître les charismes (ou dons) qui sont octroyés par Dieu. Concrètement, cette différence se marque par le fait que la Bible, considérée comme Parole de Dieu, est la règle de doctrine et de vie pour l’ensemble des fidèles. Si la structure congrégationaliste favorise un éclatement du pouvoir et une diversification d’orientation au niveau des paroisses (par exemple, certaines admettent le pastorat féminin et d’autres le refusent), dans certains cas, comme l’a montré le sociologue américain Harrison, le souci de conformité doctrinale entraîne une régulation psycho-sociale assez stricte de l’orientation religieuse.Il n’est pas douteux, cependant, que le congrégationalisme a joué un rôle non négligeable dans l’émergence de la démocratie et de la tolérance. Le développement de congrégations indépendantes, constituées par l’adhésion volontaire d’adultes libres souvent analphabètes et sans droits politiques, était subversif par rapport à l’absolutisme des Stuarts, et il n’est pas étonnant que les «indépendants» partisans de Cromwell, lors de la première révolution anglaise, aient été congrégationalistes. L’armée ainsi formée était fondée sur un système de promotion dû au mérite et à la libre discussion. C’est un pasteur baptiste (Église de type congrégationaliste), Roger Williams (1600-1684), qui fonda le Rhode Island, où furent instaurés la liberté de religion et un gouvernement séparé des Églises.Les avatars du congrégationalismeLes partisans de ce système ecclésiastique furent persécutés et durent s’organiser en communautés clandestines. Plusieurs historiens de ce mouvement voient dans la congrégation secrète connue sous le nom de «Privye Church», et découverte par les autorités en 1567, la plus ancienne de leur Église (Dale, Peel). Robert Browne (vers 1550-1630) exposa le premier les théories du congrégationalisme, notamment dans son livre A Booke Which Sheweth the Life and Manners of All True Christians (Un livre pour enseigner la vie et les manières de tout vrai chrétien ). En 1590, il réintégra cependant l’Église anglicane; trois ans plus tard, ses anciens amis Barrowe et Greenwood furent pendus et la plupart des congrégationalistes émigrèrent en Hollande.Une congrégation se reconstitua à Londres en 1616; plusieurs autres se créèrent en divers endroits pendant la lutte du Parlement contre la royauté. Les congrégationalistes ou «indépendants» (le second terme a une tonalité plus «politique») arrivèrent au pouvoir grâce à la chute de la royauté: Olivier Cromwell, Milton, Hampden se rallièrent à eux. Sous le protectorat de Richard Cromwell (qui souhaitait la réunion des congrégationalistes et des presbytériens), ils préparèrent, à la conférence du Savoy, une «Déclaration de foi et d’organisation conforme à la pratique des Églises congrégationalistes d’Angleterre», où ils insistaient à la fois sur leur accord doctrinal avec l’assemblée presbytérienne de Westminster et sur leur propre système ecclésiastique, en partie amputé d’ailleurs par la répudiation complète du rôle de l’État.La restauration fut hostile aux congrégationalistes, mais l’«Acte de tolérance», promulgué par Guillaume d’Orange à la suite de la révolution de 1688 mit fin aux persécutions. Au XVIIIe siècle, les princes de la maison de Hanovre accordèrent la liberté politique et religieuse à tous les protestants.En 1620, une centaine de congrégationalistes anglais exilés en Hollande, les Pilgrim Fathers, arrivèrent en Amérique à bord du Mayflower et fondèrent New Plymouth. Lors du retour des Stuart, des milliers d’indépendants émigrèrent en Nouvelle-Angleterre. Ils se donnèrent un régime politico-ecclésiastique identique: les lois et les affaires de l’Église étaient votées par les citoyens.Il faut distinguer les Églises qui s’intitulent congrégationalistes et qui existent dans plusieurs pays anglo-saxons notamment, et l’ensemble des Églises protestantes dont l’organisation est de type congrégationaliste mais qui ont une autre désignation: baptisme, pentecôtisme, etc. Les Églises congrégationalistes se sont rapprochées des Églises presbytériennes (ou réformées). Elles ont adhéré, en 1970, à l’Alliance réformée mondiale. Les Églises baptistes ont leur propre fédération: l’Alliance baptiste mondiale.Le congrégationalisme a été combattu à l’intérieur du protestantisme pour des raisons d’«ordre» et de «discipline»: ainsi, le synode de 1644 de l’Église réformée de France (Église qui eut, au XVIe et même au XVIIe siècle, une assez forte tendance congrégationaliste) conjura diverses communautés locales de sauvegarder «la paix et l’uniformité de la religion», mises en danger par le «poison» de l’indépendantisme qui aurait conduit à «se former autant de religions qu’il y a d’assemblées particulières». Il est possible de se demander, malgré de telles attaques, si le congrégationalisme ne met pas en valeur certains principes essentiels de la Réforme: sacerdoce universel, primauté de l’Église locale, indépendance vis-à-vis de l’État.• 1898; de congrégation♦ Système ecclésiastique dans lequel chaque paroisse protestante est autonome.congrégationalisme [kɔ̃gʀegasjɔnalism] n. m.ÉTYM. 1898; de congrégationaliste.❖♦ Relig. Au sein du protestantisme, Système ecclésiastique qui rend chaque paroisse autonome.
Encyclopédie Universelle. 2012.